Premières critiques du film Marie-Madeleine
par La rédaction
Que pensent les chrétiens du film Marie-Madeleine ? Premières critiques.
Dans Valeurs actuelles, Laurent Dandrieu résume :
C’est sur la vague du marché des films chrétiens que tente de surfer Marie Madeleine, de Garth Davis, qui sort chez nous le 28 mars. La magnifique Rooney Mara y incarne joliment une Marie Madeleine pleine de douceur, qui tranche avec les autres disciples, toujours prompts à projeter sur le Christ (Joaquin Phoenix, complètement hors sujet) leurs propres aspirations, quand elle se contente de se mettre à son écoute : cette disponibilité du coeur lui vaudra d’être le premier témoin de la Résurrection. Mais on comprend vite, hélas, que si le film met en valeur Marie Madeleine (elle n’est pas ici une prostituée repentie, juste une femme qui s’est révoltée contre le mariage que voulait lui imposer sa famille), c’est pour mieux l’opposer aux autres disciples, ceux qui ont fondé l’Église catholique en trahissant le message du Christ… Ce film d’inspiration protestante se termine ainsi en pamphlet anticatholique, guère plus sérieux que le Da Vinci Code.
Dans La Vie, Aymeric Christensen explique :
A trop vouloir avoir un propos, le film se prend très, très au sérieux. Marie, jeune fille pure et éthérée, mais au caractère bien trempé – soit Sissi en robe de lin – tombe sous le charme d’un sage, guérisseur et prophète à ses heures, qui se vide de son énergie vitale lorsqu’il guérit quelqu’un. Jésus a les traits trop âgés de Joaquin Phoenix – comme un croisement de Gandalf et de maître Yoda. Il passe le plus clair de son temps à sourire mystérieusement en formulant de petites sagesses existentielles tout droit sorties d’un biscuit de restaurant chinois. Comme le message messianique est tout de même assez peu lisible, notre héroïne va se disputer pour son interprétation avec Simon-Pierre, le chef des apôtres – figure du va-t-en-guerre bourru, mais bon comme un homme de la terre, soit le rôle habituel du général de l’armée américaine un peu à côté de la plaque.
Pendant ce temps, le jeune Judas s’est cru dans une assemblée de prière pentecôtiste et vit chaque instant comme si la parousie allait survenir incessamment ; et comme tout cela tarde un peu, il finit par se dire qu’il pourrait peut-être forcer un tantinet le destin. Avec le succès que l’on sait. La fin est courue : Pierre lancera sa « multinationale » Église promise à un bel avenir, tandis que Marie, rejetée par ses frères apôtres pour une bête histoire d’absence de chromosome Y, s’en ira vivre de miséricorde et d’eau fraîche, seule mais fidèle au véritable sens authentique de la vraie révélation du « chamane » Jésus.
Et de conclure :
Il est de bon ton, dès lors qu’on s’emploie à proposer une relecture historique ou religieuse, de rappeler que l’œuvre est là pour « poser des questions ». Soit. Mais si la fiction a des droits, elle a aussi des devoirs, à la mesure de ses ambitions : le moindre d’entre eux est d’avancer quelque idée neuve. Particulièrement quand on brandit comme argument le fait de choisir une femme comme personnage principal d’une relecture libre des Évangiles. Las, Marie Madeleine récite ses influences comme un autre catéchisme. En remontant le temps, cela donne : une pincée de spiritualité peu exigeante (la vérité est en chacun de nous) ; quelques gouttes de relectures féministes (tempérées par la relative passivité du personnage) ; une louche d’Alfred-Loisy-pour-les-nuls (« Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venue ») ; l’ensemble arrosé des meilleurs passages de l’évangile apocryphe de Marie, expurgé de ses visions gnostiques pour faire plus sérieux. On devrait être inspiré ; on exhale un soupir. Tout cela manque de fraîcheur.
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